Pôle IA

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En 2024, l'Université Bourgogne Europe décide de créer un Pôle IA rassemblant les chercheuses et chercheurs de l'UBE travaillant sur l'intelligence artificielle. Un Pôle dirigé par Fabrice Mériaudeau et comprenant 4 axes est officiellement créé en novembre 2024.

Raphaël Maurel co-dirige, avec Luca Nobile, l'axe 3 IA & enjeux sociétaux en sciences humaines et sociales.

L'axe « Patrimoine matériel et immatériel - Enjeux sociétaux en sciences humaines et sociales » s’intéresse à l’appropriation sociale et aux retombées des usages sociaux de l’IA générative et prédictive sur les conduites des individus, des groupes et des organisations. Cet axe interdisciplinaire vise moins la compréhension et l’analyse du fonctionnement interne de l’IA que l’analyse de son influence et de son impact sur le fonctionnement des sociétés et des cultures, dans leurs différentes formes, à différents niveaux et de différents points de vue. Il s’intéressera notamment aux enjeux éthiques, déontologiques, politiques, communicationnels, éducationnels et culturels de l’utilisation massive de l’IA dans les sphères relevant de champs disciplinaires des sciences humaines et sociales (droit, économie, gestion, communication, éducation, psychologie, philosophie, histoire, linguistique et littérature).

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Thématiques & défis

L'axe 3 est organisé autour de 6 "défis" à relever par des recherches pluridisciplinaires, schématisés en 4 thématiques.

Défi 1 : IA, travail et organisations. Ce défi porte sur les conséquences humaines et financières de l’utilisation de l’IA dans les entreprises et dans les organisations. Il concerne la gestion des informations et des ressources humaines à l’intérieur des organisations, ainsi que le potentiel de l'IA dans l’exécution des différentes tâches. Il porte également sur l’évolution des métiers et des postes de travail. Ce défi s’intéressera aussi au marketing, où l'IA permet de passer de la personnalisation du message à la contextualisation intégrale du parcours du consommateur, ou encore à la finance, avec la nouvelle maitrise des risques qu’elle permet, ou avec le perfectionnement du trading algorithmique. Sur le plan macroéconomique, il pourra s’agir d’interroger les retombées sociales de ces transformations, notamment sur le statut des classes moyennes, mais aussi leurs enjeux stratégiques et géopolitiques, liés à l’impact potentiel de l’IA, à la fois sur les processus d’innovation et sur la gestion du consensus.

Défi 2 : IA, formation et compétences. Ce défi explorera les effets de l’IA sur les qualifications obtenues en formation initiale ou continue des étudiants et des salariés. Les questions posées porteront sur l'évolution des compétences requises et induites par l'IA. Si chacun est appelé à devenir un « opérateur de données », quelles sont les implications en termes de compétences éducatives ? Et quelles sont les connaissances nécessaires pour travailler avec l'IA ? Mais ce défi permettra également de comprendre comment l’utilisation de l’IA dans les parcours d'apprentissage pourrait permettre de renforcer l’individualisation des parcours de formation, et réduire les inégalités scolaires et sociales de réussite et de trajectoire professionnelle.

Défi 3 : IA et éthique. Ce défi permettra de s'intéresser aux dimensions juridiques de l’utilisation de l’IA, notamment par rapport à la science juridique elle-même (analyser la formation du droit de l’IA aux échelles nationale, régionale, internationale et déterminer ses faiblesses, analyser le discours juridique sur l'objet IA). Il permettra également d'appréhender les modifications induites par l'IA par rapport à l'industrie culturelle (propriété intellectuelle, cadrages juridiques, nationaux et internationaux, droit du travail, …). Il permettra aussi d'apporter un éclairage sur les nouveaux enjeux environnementaux (adaptation du droit du commerce international, ressources, …), et de s'interroger sur les droits fondamentaux et les enjeux de citoyenneté (rapport IA/éthique/droit, place des droits fondamentaux dans la régulation de l'IA, …). Ce défi offre aussi l’opportunité d’aborder des questions de recherche relatives, et sans être exhaustif, aux biais algorithmiques et aux potentiels discriminations qui en résultent, aux enjeux de concentration des monopoles technologiques, aux risques liés à la vie privée ou encore aux risques environnementaux et à l’impact psychologique et social dû par exemple à la déshumanisation des relations dans des domaines comme la santé ou l’éducation. Il s’agit alors de penser le concept de l’ “AI by design”.

Défi 4 : IA, culture et connaissance. À une échelle plus large, l’IA est destinée à transformer en profondeur l’ensemble de l’univers culturel, du domaine des arts et des SHS à celui des sciences naturelles, de la technologie et des mathématiques. Elle a vocation à transformer les conditions elles-mêmes dans lesquelles toute sorte de recherche se déroule. Du review de la littérature à la rédaction des textes, de la transcription automatique des conférences à leur traduction multilingue en temps réel, et de la simulation numérique des phénomènes étudiées à la programmation assistée d’algorithmes pour les étudier, l’IA bouscule d’ores et déjà les règles du jeu de la connaissance. Induira-t-elle un changement de paradigme ? Bouleversera-t-elle les hiérarchies des savoirs existants, en rendant superflus certains d’entre eux, et en en faisant émerger d’autres, qui n’étaient pas considérés comme possibles auparavant ? Ce sont des questions auxquelles les philosophes et les épistémologues, mais aussi les historiens des sciences, des techniques, des media et de la culture tenteront de répondre.

Défi 5 : IA, langues et communication. L’IA conversationnelle assure désormais des traductions automatiques de plus en plus fiables entre les principales langues du monde, à l’écrit comme, bientôt, à l’oral. Cela peut transformer rapidement l’écosystème médiatique, en favorisant l’émergence d’un audiovisuel multilingue à l’échelle continentale ou planétaire. Les retombées politiques pourraient être considérables, et mériteraient d’être anticipées. L’Europe pourrait, par exemple, surmonter l’un des obstacles principaux à la formation d’une opinion publique commune et, donc, d’une intégration politique. Par ailleurs, des populations aux cultures très éloignées pourraient soudainement accéder à l’intercompréhension, et donner lieu à des phénomènes de contact et d’hybridation à une échelle inédite, qui pourraient demander d’être étudiés et gouvernés. Dans la mesure où l’IA conversationnelle peut agir linguistiquement à une échelle massive, en prenant en compte les discours d’entières populations, sa popularisation pose aussi des problèmes de sécurité pour les systèmes démocratiques, liés aux risques de manipulation massive de l’opinion. Les analystes du discours, les informaticiens, les mass-médiologues et les scientifiques politiques pourraient travailler ensemble pour étudier et anticiper ce type de scénarios.

Défi 6 : IA et développement de l’esprit critique : L’émergence de l’IA bouleverse les équilibres informationnels et engendre des défis sociétaux majeurs. Parmi eux, la capacité à générer de faux contenus (deepfakes par exemple), mais extrêmement convaincants, brouille les frontières entre la vérité et le mensonge. Cela crée un brouillard informationnel dans lequel il est difficile aussi bien pour le citoyen que les experts de distinguer le réel du “fabriqué”. Les réseaux sociaux ont accentué cette porosité en devenant des terrains fertiles pour l’utilisation de l’IA à des fins de manipulation de masse et polarisation des débats. Les citoyens sont, dès lors, exposés à des narrations biaisées ou malveillantes. On assiste ainsi à une perte de confiance qui fragilise les institutions et les médias. La résilience des sociétés démocratiques est alors mise à l’épreuve. Dans ce contexte, l’éducation et les outils de décryptage sont insuffisants et ne préparent pas les citoyens à naviguer dans ce brouillard informationnel diminuant ainsi leur capacité à discerner et à réagir de manière informée. Ce défi questionne donc, sans être exhaustif, tous les mécanismes permettant aux citoyens et aux institutions de maintenir une information de qualité, crédible et accessible, développer des compétences critiques face à l’usage social de l’IA et enfin, mettre en place des régulations efficaces sans compromettre les libertés fondamentales.

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